Auteurs : Monique Cumin et Armelle Stoltz
Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, est souvent cité comme un leader inspirant au service de la transition écologique. Sa prise de conscience des enjeux environnementaux dès les années 70 en fait un pionnier exemplaire. Sa connexion personnelle à la nature et au vivant, par la pratique de l’escalade, lui a permis de comprendre en profondeur l’interdépendance de l’Homme avec son écosystème, notre planète Terre. C’est un principe qui l’a guidé tout au long de sa vie, de l’éco-conception des produits Patagonia jusqu’au don en 2022 de son entreprise à une fondation qui combat le dérèglement climatique.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de son exemple ? Quelles sont les qualités dont les leaders d’aujourd’hui et de demain ont besoin pour accélérer la transition écologique ?
Un leadership avec une vision et une action sur l’ensemble du système
Yvon Chouinard, comme d’autres dirigeants précurseurs, a montré une capacité exceptionnelle à intégrer et assumer sa part de responsabilité dans la dégradation de notre environnement, pour agir et initier des changements majeurs. Dans les années 70, il décide de remplacer les pitons d’escalade, qui abîment les roches, par des nouveaux modèles qui ne laissent plus de traces, créant ainsi la « grimpe propre ».
Si l’entreprise fait partie du problème, elle peut aussi faire partie de la solution. 6 des 9 limites planétaires ont déjà été dépassées, mettant en danger la stabilité de notre maison Terre. Les leaders qui ont ouvert les yeux sur les enjeux qui menacent la survie de l’humanité ne peuvent pas rester indifférents. Ils sont conscients de la nécessité de repenser le système dans lequel leur entreprise s’inscrit : leurs chaînes de valeur, leurs modèles économiques qui aujourd’hui poussent à l’épuisement des ressources d’énergie et de matières premières, les réflexes d’individualisme et de recherche du profit à tout prix, sans prendre en compte les besoins humains fondamentaux et la protection de l’environnement dont notre vie dépend.
Courage et résilience pour définir un nouveau cap et s’y tenir
Repenser le système, c’est choisir un nouveau cap. C’est aussi pour le dirigeant, assumer de renoncer au court-termisme, où les décisions sont guidées par la pression du profit de l’année, voire du trimestre. Le leader régénératif engage un dialogue courageux avec les actionnaires et investisseurs pour les impliquer et les convaincre de la démarche.
Repenser le système, cela passe très souvent par un changement de modèle économique, pour sortir d’une logique linéaire d’épuisement des ressources, et aller vers la circularité, le réemploi, l’économie de la fonctionnalité et du service, voire même l’économie régénérative. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais il est important de démarrer dès aujourd’hui des expérimentations.
Les dirigeants qui portent ces transformations font preuve de résilience pour garder le cap pendant de nombreuses années.
Qualités de conviction pour embarquer tout leur écosystème
Les leaders qui s’engagent dans la transformation en profondeur de leur organisation sont alors face à un défi monumental. Comment embarquer tout leur écosystème, à l’intérieur et au-delà même de leur propre entreprise : leurs collègues, leurs clients, les clients de leurs clients, leurs fournisseurs, l’ensemble de la chaîne de valeur, parfois même leurs concurrents ?
Cette tâche immense d’influence positive, à contre-courant des modèles établis, demande un vrai courage :
- porter une vision qui implique des efforts et des renoncements tout en avançant dans l’inconnu, sans pouvoir apporter immédiatement des solutions éprouvées.
- prendre le risque d’être moqué, caricaturé, incompris.
- assumer la responsabilité d’un échec éventuel si les résultats ne sont pas rapidement au rendez-vous.
- se tromper, dire qu’il ne sait pas, faire confiance sans avoir de garanties.
- incarner une exemplarité personnelle, tout en sachant qu’il n’est pas parfait.
L’humilité est de rigueur, l’expérimentation est la règle.
« Tous nos actes créent des zones d’influence qui se propagent bien-delà de ce que nous pouvons voir » Joanna Macy, écrivaine de l’écologie profonde.
Les leaders porteurs de ces transformations doivent savoir insuffler une énergie positive au collectif dans la durée, en communiquant une vision inspirante du nouveau cap, des bénéfices attendus et des premières réussites. Ils donnent envie parce qu’ils parlent avec leur cœur et leurs tripes, pas seulement avec leur tête, et sont en connexion avec le vivant. Au-delà de l’homme ou la femme d’affaires, c’est l’humain en eux qui parle, le parent, le citoyen. Leur optimisme lucide est porteur d’espoir face à une situation où il est facile de ressentir de l’impuissance. Ils sont dotés d’une grande capacité à rebondir.
Écoute profonde pour créer une culture de coopération en interne et en externe
Embarquer toutes les parties prenantes requiert une coopération beaucoup plus étroite et étendue avec un nombre important d’acteurs. En interne tout d’abord, ils mobilisent tous les collaborateurs et cassent les silos : la R&D qui renvoie la balle aux achats ou au marketing, la supply qui se déclare impuissante face à des directives de la finance. Et en externe en parallèle, ils travaillent avec les autorités pour revoir des normes qui freinent les initiatives vertueuses, ils stimulent l’innovation des fournisseurs, ils incitent les clients à diminuer leurs impacts négatifs, ils participent à des coalitions qui permettent de changer les règles d’un secteur tout entier.
Pour recueillir tous les fruits de la coopération avec les parties prenantes, les leaders savent s’entourer de diversité, comme dans les écosystèmes du vivant : diversité de points de vue, de générations, de cultures. Cette richesse est la source des initiatives les plus fécondes.
Toutes les qualités de leadership ne sont pas forcément réunies dans un seul homme ou une seule femme providentielle. Chez Seedlings, nous en avons la conviction : c’est un collectif qui doit bouger : les dirigeants, les pionniers agents du changement dans tous les départements de l’entreprise, puis l’ensemble des collaborateurs, les partenaires, avec à la clé un levier très fort d’engagement de tous pour construire un futur fertile.